Le logion 2 se situe dans le prolongement du logion 1.
En effet, le premier logion incitait le lecteur à "trouver", donc à chercher.
Le second logion invite à la persévérance dans la recherche.
Il y a un terme à cette recherche : le bouleversement, le trouble qui conduit à l'émerveillement.
Quelle est la nature de cet émerveillement ?
Ebloui par la lumière céleste !
Les actes des apôtres décrivent par trois fois les conditions dans lesquelles Saül de Tarse fut aveuglé par le Seigneur avant de connaître sa conversion.
Saül cherchait à persécuter les disciples du Christ... il va trouver Jésus sur son chemin.
Ebloui par la lumière céleste, bouleversé, Saül va connaître son émerveillement.
Toutes les conversions ne se ressemblent pas.
Passé cette étape, la recherche se poursuit.
Il ne s'agit plus de trouver Jésus sur son chemin mais de suivre le chemin que le Seigneur nous montre.
C'est ainsi que l'on peut régner ou dominer sur le Tout.
Mais qu'est-ce que le Tout ?
Cette notion n'est pas développée dans les écritures canoniques.
Avec Thomas, nous sommes en présence d'une approche holistique, c'est-à-dire qui consiste à considérer les phénomènes comme des totalités.
Pour illustrer ce propos, il faut approfondir la réponse de Jésus aux Pharisiens :
« Les Pharisiens L'interrogèrent : "Quand viendra le Royaume de Dieu ?"
Il leur répondit : "La venue du Royaume de Dieu n'est pas observable."
On ne dira pas : "Il est ici, ou bien là", car le Royaume de Dieu est parmi vous. »
(Luc 17.20-21)
Si le Royaume de Dieu n'est pas observable, il faut en déduire que le fait qu'il soit parmi vous signifie qu'il est aussi en vous.
Effectivement, par la présence de l'Esprit Saint, l'individu converti devient une composante du Royaume de Dieu.
Et ce Royaume forme un Tout qui se manifeste à l'intérieur de chaque disciple de Jésus.
Il appartient donc à chacun de régner, ou de dominer, sur le Tout... c'est-à-dire sur soi.
« Car le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur et la maîtrise de soi. » (Galates 5.22-23)
Le Tout est-il compatible avec la foi chrétienne ?
Faute de trouver dans les Evangiles canoniques un enseignement compatible avec ce deuxième logion de l'Evangile selon Thomas, devons-nous donc l'écarter ?
Le holisme, qui vise à expliquer globalement les phénomènes, est-il compatible avec le christianisme ?
Pourquoi pas...
« Et là, il n'y a ni Grec et Juif, circoncis et incirconcis, barbare, Scythe, esclave et homme libre, mais Christ qui est tout et en tous. » (Colossiens 3.11)
Il est cependant manifeste que l'approche de Thomas est plus orientale qu'occidentale.
Ceci nous rappelle que Thomas, suivant la tradition, s'est dirigé vers l'Inde...
Thomas au contact des traditions orientales
Si Thomas a vécu en Inde, il est probable qu'il fut au contact de cultures orientales influencées par le holisme.
C'est le cas du bouddhisme, de l'hindouisme, du sikhisme ou du taoïsme.
La perception holistique des phénomènes est notoire dans le bouddhisme.
1. L'interdépendance :
Le bouddhisme insiste sur le fait que tous les phénomènes sont interconnectés et interdépendants.
2. La non-dualité :
Le bouddhisme met l'accent sur la dissolution des dualités apparentes, telles que le bien et le mal, le moi et l'autre, le sujet et l'objet.
Cette dissolution des dualités conduit à une vision de l'unité et de l'interconnexion des êtres comme des choses.
3. La compassion universelle :
C'est un principe fondamental du bouddhisme qui implique une reconnaissance profonde de la souffrance des autres et un désir sincère de les soulager.
Cette compassion s'étend à tous, sans discrimination, ce qui reflète une perspective holistique sur la nature interconnectée de la vie.
Amour ou compassion ?
A la lecture de cette description de la compassion universelle suivant l'optique du bouddhisme, on ne peut s'empêcher de songer à cet enseignement biblique :
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Il ne nous semble pas nécessaire d'approfondir les nuances entre amour et compassion car l'un et l'autre forment deux concepts étroitement liés.
Imprégné des enseignements de Jésus sur l'amour, il est possible que Thomas, au contact de la pensée orientale, ait pu tendre vers une forme de syncrétisme religieux qui se reflète dans ses écrits.
Quoi qu'il en soit, le partage des idées dans le respect mutuel reste une source d'enrichissement spirituel.
Ainsi, quand Laurence Freeman, prêtre catholique et moine bénédictin, rencontra le Dalaï-Lama pour parler de Jésus, nous pouvons lire dans l'ouvrage qui restitue leurs entretiens :
"C'est en cherchant la vérité que l'on trouve l'illumination."
Aussi que celui qui cherche n'arrête pas de chercher afin d'être bouleversé, émerveillé, illuminé ...