« Comparez-moi, et dites-moi à qui je ressemble. »
Simon-Pierre lui dit : « Tu ressembles à un ange juste. »
Matthieu lui dit : « Tu ressembles à un philosophe qui a du cœur. (1) »
Thomas lui dit : « Maître, ma bouche ne me permet pas (2) de dire à qui tu ressembles. »
Jésus dit :
« Je ne suis pas ton maître, puisque tu as bu,
tu t’es enivré à la source vive que j’ai moi-même fait jaillir. (3) »
Il le prit à part et lui dit trois paroles.
Quand Thomas fut revenu vers ses compagnons, ils lui demandèrent :
« Que t’a dit Jésus ? »
Thomas leur dit :
« Si je vous dis une des paroles qu’il m’a dites,
vous ramasserez des pierres et vous me les lancerez.
Alors un feu sortira des pierres et vous brûlera. »
(1) qui a du cœur ou qui est sage
(2) ne me permet pas ou n'acceptera pas
(3) fait jaillir ou mesurée
Continuité des logia :
Avec ce logion 13, l'Evangile selon Thomas nous interpelle sur la notion de culte à mystère.
Car les paroles cachées, non révélées, comme celles que Jésus est censé avoir dites à Thomas et qu'il refuse de transmettre aux autres disciples, font de Thomas un initié qui, de ce fait, s'enferme dans le silence de l'obscurantisme.
Nous pouvions déjà nous interroger en ce sens avec le logion 1 qui nous disait :
« Celui qui trouve le sens de ces paroles ne goûtera pas la mort. »
Mais il nous invitait à chercher, à réfléchir sur des paroles révélées contenues ensuite dans l'ensemble des logia.
Par contre, dans ce logion 13, la position est hermétique : rien ne sera dit !
Les paroles cachées...
La conclusion de ce logion est une source de frustration.
On peut certes admettre que le Seigneur se révèle mieux à des disciples qui soient plus aptes à l'entendre, à le comprendre sur certains points, mais ceci fragilise l'Eglise comme collectivité des disciples.
Nous trouvons dans la Bible d'autres exemples de paroles cachées.
Dans l'Ancien Testament, notamment quand Daniel s'entend dire :
« Toi, Daniel, tiens secrètes ces paroles, et scelle le livre jusqu'au temps de la fin. Plusieurs alors le liront, et la connaissance augmentera. » (Daniel 12.4)
Les paroles de ce livre resteront scellées plusieurs siècles jusqu'au jour où :
« Je vis, sur la droite de Celui qui était assis sur le trône, un livre écrit au recto et au verso, scellé de sept sceaux. » (Apocalypse 5.1)
Le Livre de l'Apocalypse va révéler le contenu du Livre de Daniel... cependant d'autres paroles ne le seront pas :
« Scelle au secret ce que les sept tonnerres ont dit et ne l'écris pas ! » (Apocalypse 10.3)
Ces paroles demeurent encore de nos jours revêtues du sceau du secret... comme ce que Paul mentionne en 2 Corinthiens 12.2 & 4 :
« Je connais un homme en Christ qui fut enlevé jusqu'au troisième ciel... Il fut enlevé au paradis et entendit des paroles inexprimables qu'il n'est pas permis à l'homme de répéter. »
Si le Seigneur juge préférable de sceller ou de taire certaines informations, c'est pour notre bien !
Laissons humblement de côté nos prétentions, notre orgueil.
Comparer l'incomparable
Dans l'Evangile selon Thomas, Jésus demande aux disciples à quoi, ou à qui, Il ressemble.
Les réponses que Simon-Pierre et Matthieu auraient données à Jésus sont lumineuses... mais bien inférieures à la réalité.
Il semble bien que la meilleure réponse soit celle de Thomas, car Jésus est incomparable !
« Maître, ma bouche ne me permet pas de dire à qui tu ressembles. »
Comparer où reconnaître ?
On ne peut comparer Jésus, mais on peut L'identifier, Le reconnaître.
Et les Evangiles canoniques nous apportent plus sur cette question de connaissance que l'Evangile selon Thomas.
Jésus a posé cette question à Ses disciples :
« Qui suis-je, selon ce qu'en disent les hommes ? » (Marc 8.27 - Matthieu 16.13 - Luc 9.18)
Certains voyaient en Jésus :
« Jean le baptiste, pour d'autres Elie, pour d'autres encore Jérémie ou l'un des prophètes d'autrefois revenu à la vie... » (Marc 8.28 - Matthieu 16.14 - Luc 9.19)
Les foules auraient pu ajouter « un ange juste » ou « un philosophe qui a du cœur ».
Mais les disciples vont faire preuve de bien plus de discernement et Simon-Pierre affirme :
« Toi, tu es le Christ... le Fils du Dieu vivant... le Messie de Dieu... le Saint de Dieu. » (Marc 8.29 - Matthieu 16.16 - Luc 9.20 - Jean 6.69)
L'approche de Thomas manque d'intensité sur ce point, mais la suite va nous ramener dans le Royaume de Dieu.
Dans connaître, il y a naître
Jésus a dit : « Ne vous faites pas appeler "Maître". Car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères. N’appelez aucun de vous sur la terre votre Père. Car un seul est votre Père : le Père céleste. » (Matthieu 23.8-9)
Si le Seigneur est notre Père, et notre Maître, il semble que Jésus se soit plus considéré comme un frère des disciples que comme leur Maître.
Ceci explique sa réaction envers Thomas :
« Je ne suis pas ton maître, puisque tu as bu,
tu t’es enivré à la source vive que j’ai moi-même fait jaillir. »
Cette source vive, nous la voyons jaillir dans l'Evangile selon Jean quand Jésus s'adresse à une femme samaritaine...
« Celui qui boit de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif. Car l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau d'où jaillira la vie éternelle. » (Jean 4.14)
Cette eau, c'est celle de la nouvelle naissance évoquée par Jésus face à Nicodème :
« Oui, à vrai dire, nul s'il n'est engendré d'eau et d'Esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. » (Jean 3.5)
Cette eau, c'est celle qui permet de naître de nouveau et ainsi de connaître Jésus.
Alors, qui est Jésus ?
« Le Christ... le Fils du Dieu vivant... le Messie de Dieu... le Saint de Dieu », oui, sans aucun doute.
Mais c'est aussi notre frère !
« Car ceux qu'Il a connus d'avance, Il les a aussi prédestinés conformes à l'image de Son Fils, afin que Celui-ci soit le premier-né parmi beaucoup de frères. » (Romains 8.29)