« Ce ciel passera et celui au-dessus de lui passera.
La mort n’est pas vivante (1) et le vivant ne mourra pas. (2)
Les jours où vous mangez du mort, vous en faites du vivant.
Quand vous serez dans la lumière, que ferez-vous ?
Quand vous étiez un, vous êtes devenus deux.
Mais quand vous devenez deux, que ferez-vous ? »
(1) la mort n'est pas vivante ou les morts ne sont pas vivants
(2) le vivant ne mourra pas ou les vivants ne mourront pas
Concordances :
« Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront assurément pas. » (Matthieu 24.35)
« Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas. » (Marc 13.31)
« Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront sûrement pas. » (Luc 21.33)
Continuité des logia :
Ce onzième logion nous dit « le vivant ne mourra pas », une parole qui nous rappelle le logion 1 : « Celui qui trouve le sens de ces paroles ne goûtera pas la mort. »
Or, vu le contenu énigmatique de ce logion 11, il va effectivement falloir chercher le sens de ces paroles attribuées à Jésus...
Un ciel ou des ciels ?
Si les trois Evangiles synoptiques nous disent que « le ciel et la terre passeront », Thomas se désintéresse de la terre pour s'élever à un niveau supérieur : « Ce ciel passera et celui au-dessus de lui passera. »
L'enseignement de Jésus relaté dans les Evangiles synoptiques concerne les temps de la fin et plus particulièrement la grande tribulation finale.
La concordance avec l'Evangile selon Thomas se limite à la première phrase.
Aussi, ce qu'il nous restitue nous renvoie aux croyances anciennes sur l'existence de plusieurs niveaux célestes.
Si les deux premiers niveaux sont appelés à disparaître, nous accédons ainsi au troisième niveau que l'apôtre Paul évoque en ces termes :
« Je connais un homme en Christ qui fut enlevé jusqu'au troisième ciel, voici quatorze ans, je ne sais si c'est dans son corps ou hors du corps, Dieu seul le sait.
Je sais qu'il en fut ainsi pour cet homme, soit dans son corps, soit sans son corps, Dieu seul le sait.
Il fut enlevé au paradis et entendit des paroles inexprimables qu'il n'est pas permis à l'homme de répéter. »
(2 Corinthiens 12.2-4)
Que cet homme qui fut enlevé soit Paul, Thomas ou tout autre importe peu, ce qui compte c'est l'association entre ce troisième ciel et le paradis, un espace éternel à la différence des deux premiers niveaux célestes.
La Bible ne permet pas d'identifier la nature de ces deux niveaux mais certains exégètes pensent que le premier pourrait correspondre au ciel atmosphérique et le deuxième au niveau cosmique ou stellaire.
Il s'agirait donc de niveaux rattachés à notre univers matériel qui est appelé à disparaître comme nous l'indique par ailleurs le Livre de l'Apocalypse :
« Alors je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre. Car le premier ciel et la première terre avaient disparu et il n'y avait plus de mer. » (Apocalypse 21.1)
Le vivant ne mourra pas !
Que se passe-t-il dans le troisième ciel ?
« La mort n’est pas vivante et le vivant ne mourra pas. »
Aucun vivant dans le paradis ne peut mourrir car il vit éternellement.
Il est donc logique que la mort ne puisse séjourner dans le séjour des vivants, d'autant que celle-ci... est morte !
« Puis la mort et l'Hadès furent jetés dans l'étang de feu. Voici la seconde mort : l'étang de feu ! » (Apocalypse 20.14)
Ce verset de Thomas peut se traduire aussi au pluriel :
« Les morts ne sont pas vivants et les vivants ne mourront pas. »
Nous n'avons pas privilégié cette traduction car elle commence par une lapalissade.
En effet, que les morts ne soient pas vivants est évident... cependant cela signifie que ceux qui rejoignent la mort éternelle dans l'étang de feu ne peuvent plus connaître la vie éternelle.
Par contre, ceux qui sont parmi les vivants ne connaîtront jamais la mort !
Que ferez-vous dans la lumière ?
Poursuivant la réflexion sur le rapport entre la vie et la mort, ce logion 11 nous dit :
« Les jours où vous mangez du mort, vous en faites du vivant. »
Cette considération sur l'interdépendance des êtres vivants qui dépendent les uns des autres pour leur approvisionnement en matières organiques nous ramène sur terre.
Mais la phrase suivante nous enlève au ciel :
« Quand vous serez dans la lumière, que ferez-vous ? »
Pour apporter une réponse à cette question, plongeons-nous dans la première épître aux Corinthiens...
« Je vais vous révéler ce mystère : nous ne mourrons pas tous, mais nous serons tous transformés.
En un instant, en un clin d'œil, à la dernière trompette, car elle sonnera, et les morts qui ressusciteront seront incorruptibles et nous, nous serons transformés.
Il faut en effet que ce qui est corruptible soit revêtu de l'incorruptibilité, et que ce qui est mortel revête l'immortalité.
Lorsque le corruptible revêtira l'incorruptibilité et le mortel revêtira l'immortalité, alors cette parole de l'Ecriture sera accomplie :
La mort a été engloutie dans la victoire. »
(1 Corinthiens 15.51-54)
Dans la lumière du troisième ciel, ce qui est mortel n'ayant plus lieu d'être, la nature humaine transformée, devenue incorruptible, n'aura plus besoin de se nourrir de matière morte pour produire du vivant.
Unité et dualité
La fin de ce logion 11 est encore plus énigmatique avec cette conclusion :
« Quand vous étiez un, vous êtes devenus deux.
Mais quand vous devenez deux, que ferez-vous ? »
Le passage de l'unique à la dualité peut être interprété comme une référence à l'unité originelle, à la conscience indivise du Créateur qui préexistait à la dualité.
La dualité apparaît avec le premier verset de la Genèse :
« En un commencement, Elohim créa les cieux et la terre. » (Genèse 1.1)
La séparation du monde spirituel et matériel forme la dualité primordiale.
De cette dualité découle le développement de l'univers avec toutes les divisions qui ont pu se manifester.
Le Créateur a institué la différence, les créatures en ont fait une source de division et d'opposition à la volonté du Créateur.
Au terme de ce développement, la question se pose : comment rétablir l'unité dans la dualité ?
Nous avons vu ci-dessus que cet univers où la dualité a conduit à la mort est appelé à disparaître (Apocalypse 21.1).
Un nouvel univers où la dualité, c'est-à-dire l'humanité qui en est le produit, serait compatible avec l'Unique Créateur est-il concevable ?
Tournons-nous de nouveau vers le Livre de l'Apocalypse qui nous apporte cette vision :
« Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il y vivra avec eux et Ses peuples avec Lui. Et Lui sera : Dieu avec nous. » (Apocalypse 21.3)
Il s'en suit une description de la cité céleste où l'Unique coexistera avec Ses peuples dans l'harmonie, accomplissant ainsi l'unité dans la diversité.